un peu d'histoire _________________________


Les chébecs étaient des petits navires méditerranéens à voiles et à rames.


Selon le pays et l'époque leur dénomination varie: chebec, chabek (de l'arabe populaire chabbâk) en passant par le catalan xabec ou l'espagnol jabeque.
Leur origine est mal connue. Il s'agit vraisemblablement d'un mélange de dromon byzantin et de goélette, proche de la polacre et de la pinque, largement influencé par les pratiques maures et latines.

Souvent utilisé pour la guerre de course, et surtout par les pirates barbaresques, le chébec avait la réputation d'être un redoutable marcheur sous toutes les allures.
C'était un bâtiment élancé dont la coque très fine et d'un échantillonnage faible s'apparentait à celle des galères.
L'étrave se prolongeait par un éperon qui n'était plus utilisé comme une arme mais servait à amarrer le point d'amure de la voile latine de l'arbre de trinquet.
Son faible tirant d'eau (moins de trois mètres) le faisait exceller dans les combats en hauts-fonds.

A l'opposé de la galère la voile était le mode de propulsion principal des chébecs.

Mais par temps calme des petits sabords de nage permettaient de mettre à l'eau une vingtaine d'avirons de 8 mètres manœuvrés debout par les matelots.
Les voiles étaient en cotonine à deux fils (chaîne en chanvre; trame en coton), toile légère propre au gréement latin fabriquée autrefois sur l' île de Malte.
La surface de voilure pouvait atteindre 800 m².

Le port de Malte, centre de la voilerie des chébecs

Le gréement du chébec a beaucoup évolué au cours de son existence.
Initialement il portait trois mâts équipés de voiles latines enverguées sur des antennes.
Par la suite, les chébecs ont été utilisés comme navires de commerce pour bénéficier de leurs qualités nautiques. 
Les grandes voiles latines furent alors remplacées par deux ou trois voiles carrées plus faciles à manœuvrer, et parfois on ajouta un beaupré et un foc comme en Espagne (cette variante s'appelait "chébec mystic")
Malheureusement, ces modifications diminuèrent leur vélocité et ces bâtiments singuliers disparurent peu à peu en Méditerranée.

Chébec mystic - Musée national de la marine, Paris

Le dernier chébec de guerre Français fut pris devant Alger en 1830.
Quelques chébecs marchands survécurent jusqu'à la fin de la première guerre mondiale.

Mais revenons sous le règne de Louis XV.

En 1750, pour soutenir les intérêts Français en méditerranée, le ministre de la Marine et des Colonies Antoine-Louis Rouillé, comte de Jouy, ordonna la mise en chantier à Toulon de quatre navires innovants. Il s'agissait de chébecs prototypes, car la France n'avait jamais jusqu'alors lancé une telle construction.
Faute de savoir-faire local, on fit appel aux constructeurs majorquins Mathieu Rena, Joseph Caubet et Damien Canals spécialistes de ce type de voilier.

Deux de ces chébecs, Le Requin et L'Indiscret, sont lancés les 14 et 24 mars 1751.

Ils jaugent 260 tonneaux pour un armement de 24 canons de 8 livres, en une seule batterie, et 32 pierriers d'une livre.
Le Requin est long de 114 pieds, large de 25, avec un creux de 8 pieds et 8 pouces.
Son premier commandant, Monsieur le chevalier Louis de Fabry, témoigne de sa supériorité de marche sur les autres types de navires.
En guerre, l'équipage peut atteindre 236 hommes (8 officiers major, 36 officiers mariniers et non mariniers, 109 matelots, 50 soldats, 25 mousses, 7 domestiques et 1 garde de pavillon). Quelle promiscuité sur un seul pont !

Après essais en mer et nombreuses mises au point, Le Requin effectue enfin sa première campagne en 1753.
De 1754 à 1755 Le Requin assure des missions de courrier et de garde-côte au long du littoral provençal.
En 1759 : protection de convois.
De 1760 à 1762 il est armé en course sous le commandement du sieur Daniel pour le compte d'armateurs privés :
  • 18 Juillet 1761: capture du senault anglais La Pethia,
  • 8 Octobre 1761: prise du vaisseau anglais Northumberland, du brigantin Lexington et du vaisseau Samuel Marie.
Par la suite, de retour dans la Royale sous le commandement du lieutenant de vaisseau Antoine-Joseph de Perrot du Bourguet, Le Requin entame une campagne en escadre de sept mois dans les mers du levant sous les ordres de Monsieur de Bompard puis de Monsieur d'Ambon. A cette époque il est équipé d'un gréement carré qui abaisse son agilité au niveau du reste de l'escadre.

Le désarmement du Requin commence le 12 Novembre 1762, à son retour de campagne.
L'officier manifeste alors sa satisfaction de n'avoir eu ni malade ni perte d'homme, et dénonce l'inexactitude des cartes marines dans son rapport à Monsieur le duc de Choiseul.
Le Requin sera réarmé à deux reprises: du 13 juillet au 17 Août 1763 sous le commandement du lieutenant de vaisseau de Torrenque, et une dernière fois en 1764.

Il fut rayé définitivement des listes de la Royale en 1770.